dimanche 3 avril 2011

M. Bienvenu et les photographies de Rimbaud


Depuis près d’un an, M. Jacques Bienvenu, professeur de mathématiques passionné de Rimbaud et habitué des polémiques littéraires, a consacré d’innombrables articles à la photo de Rimbaud à Aden, fournissant les informations qui ont été utilisées pour essayer de la déconsidérer.  

Ce chercheur prétend avoir réfuté notre identification, il a rencontré quelque écho sur Internet et dans certains médias, sans parler de la rumeur qu’il a alimentée. Nous nous sommes donc intéressés à notre tour à ses propres recherches, qui s’avèrent être pour le moins discutables, puisque ce spécialiste de l’iconographie de Rimbaud fait reposer toute son argumentation sur des documents erronés et des sources fallacieuses.

Voici le premier épisode de cette saga printanière.


DES BEVUES DE M. BIENVENU


Nous commencerons par quelques ratages sans grande conséquence, qui touchent plutôt au comique, voire au pathétique. Le 25 février 2011, M. Bienvenu a publié une brève contribution décisive sur l’iconographie de Rimbaud :

« La question de la photographie d’Aden étant réglée, il est temps de revenir aux véritables problèmes que pose l’iconographie rimbaldienne. Celle-ci n’a jamais fait l’objet d’une étude sérieuse, de plus elle a été complètement transformée par le dernier biographe. »

Pour montrer que Paterne Berrichon, organisateur du mythe Rimbaud, a truqué l’iconographie de Rimbaud, M. Bienvenu rapproche deux versions de l’un des autoportraits de 1883. 


« Rimbaud ivre - Le Blog de Jacques Bienvenu », 25 février 2011

La première photo est l’authentique, conservée par le Musée Rimbaud :

Le cliché du Musée Rimbaud publié par M. Bienvenu


Pas de chance. L’image présentée par M. Bienvenu dans son « étude sérieuse » n’est manifestement pas celle du Musée Rimbaud, que chacun peut consulter en ligne, et que M. Bienvenu devrait connaître parfaitement, puisqu’il reproche à certains de ne pas la reproduire alors qu’elle est « mise en ligne depuis plus de 6 ans (!) » (1).

Voici la vraie :

L’authentique reproduction du Musée Rimbaud


On voit que le cliché présenté par M. Bienvenu est recadré et que la trace de pli qui le traverse a été éliminée par retouche.


 Soi-disant cliché du Musée Rimbaud, publié par M. Bienvenu / Cliché du Musée Rimbaud



La version de M. Bienvenu est tramée : elle provient d’un livre, et elle a dû être retouchée pour publication (l’original, de très mauvaise qualité, est quasiment impossible à reproduire tel quel par l’imprimerie) (2). Il ne faut pas chercher bien loin pour la trouver. Elle a été « empruntée » à l’ouvrage « Face à Rimbaud », publié en 2006 par M. Jean-Jacques Lefrère, précisément le spécialiste de Rimbaud que M. Bienvenu prétend réfuter par ses recherches ! (3)

A la reproduction du Musée Rimbaud, l’importante communication de M. Bienvenu confronte une seconde image, la version « retouchée par Berrichon », publiée en 1922 aux Editions de la Banderole. 

 L’autoportrait de La Banderole reproduit par M. Bienvenu

Ici encore, l’image donnée par M. Bienvenu n’est pas, en réalité, celle qu’il prétend. Ce cliché est une reproduction recadrée, manifestement prise dans un autre livre, sans que M. Bienvenu ne daigne en mentionner la source. Voici la véritable :

 
L’autoportrait dans l’édition de La Banderole


La version reproduite par M. Bienvenu est altérée, au point que l’orientation de la tête et la direction du regard apparaissent différents.


  Cliché Musée Rimbaud / Le même, retouché, dans La Banderole



Dans ces deux cas, les bévues de M. Bienvenu n’ont pas, a priori, de conséquences directes sur le débat. L’utilisation de références inexactes avec des sources fausses dénote cependant une certaine légèreté, au mieux une méconnaissance assez surprenante d’un sujet sur lequel on entend établir la vérité, de la part de quelqu’un qui ne cesse de poser au scientifique, et aime à exciper de sa qualité de professeur de mathématiques pour suggérer le sérieux de sa démarche d’enquêteur littéraire. Dans d’autres cas, les références erronées et les conclusions arbitraires de M. Bienvenu ont des implications plus graves. Elles feront l’objet de prochains épisodes.

1 - Il écrit : « Alain Bardel de son côté donne la photo retouchée avec comme source le Musée Rimbaud, alors que la photo non retouchée du musée est mise en ligne depuis plus de 6 ans (!) sur le site http://www.rimbaud-arthur.fr/ de Charleville » (http://rimbaudivre.blogspot.com/2011/02/les-retouches-de-berrichon-par-jacques.html)

2 - Quand on parle de retouches à propos des photos de Rimbaud, il faut distinguer deux origines : celles qui ont pu être apportées aux clichés eux-mêmes (négatifs ou tirages), et celles qui ont été effectuées par des éditeurs ou imprimeurs avant publication. Dans le second cas, l’auteur ne contrôle pas forcément le travail réalisé, dont parfois il n’est pas même informé. Ainsi, certaines images peuvent avoir été modifiées ou altérées sans aucune intention maligne, par des techniciens de l’édition qui voulaient « bien faire ».

3 - M. Bienvenu avait déjà procédé à un tel emprunt dans son article du Magazine littéraire de juin 2010 : la reproduction du portrait de Rimbaud par Carjat, p. 7 et p. 14, est également « piquée » dans l’ouvrage de M. Lefrère, avec en crédit « Collection particulière » (!).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire